C’est une leçon d’amour

Mon père me répétait souvent que l’amour est la plus belle arnaque de l’humanité, que même l’amour le plus sincère finit par perdre cette étincelle qui scintille dans le cœur de deux êtres qui s’aiment. Sa vision de l’amour est erronée, ébranlée par des successions de déceptions à l’égard des femmes.

Il me disait avoir été en quête de l’amour parfait, celui que l’on vit passionnément sans avoir peur des limites que nous impose le temps. Celui qui prend possession de nos cœurs et anime nos corps. Mais sa quête s’est avérée plus délicate que ce que l’on croit, il a fréquenté tant de fois l’abandon alors il s’est fait une raison.

Il rencontra des femmes, il se fiança sans aller jusqu’au « Oui je le veux » mais il devint papa. Il me répétait souvent que l’amour ne rime pas avec toujours, qu’il ne fallait s’attacher au plus haut point à quelqu’un lorsque l'on savait qu’à tout moment cette personne pouvait partir. Ses mots ont résonné en moi, comme une leçon à ancrer dans ma mémoire.

Mon père savait qu’il ne finirait pas sa vie avec quelqu’un, lorsqu’il entamait une nouvelle histoire, il en discernait déjà la fin. Mais malgré tout, il a aimé, inconditionnellement, et il affirmait que lorsque l’amour l’habitait, il ne répondait plus de lui-même, l’amour rend bête à ce qu’il paraît. Il a fréquenté le romantisme et valsé aux côtés de l’avidité, mais jamais le grand amour ne se profila. C’était un grand fidèle infidèle, conscient qu’il ne pourrait être l’être d’une seule personne.

Il avait provoqué des océans de larmes qui se sont échoués le long du visage de tant de femmes, il avait nourri leur désespoir et causé une peine dont on ne se remet jamais véritablement. Il n’était pas fier de ce qu’il avait été, il pensait que les épreuves de sa vie étaient son expiation ou que tôt ou tard il paierait pour ses mauvaises actions. Je ne pouvais blâmer ce qu’il avait été, ce n’était pas quelqu’un de mauvais, juste un homme étourdi ayant eu de trop nombreuses fois le cœur meurtri.

Mon père me demandait de préserver le plus longtemps possible mon cœur de l’amour d’un homme. Peut-être cherchait-il à maintenir la souffrance à distance. Pourtant il était conscient qu’un jour j’aimerais éperdument quelqu’un, à tel point que son départ me fera mal et que ce jour-là j’errerai dans un souvenir tout en oubliant petit à petit celle que je suis. L’amour est lié à l’affliction et nous rend dépendants, nous sommes hantés par l’autre lorsque son absence nous paraît trop grande. Mon père ne voulait pas ternir ma vision de l’amour, il cherchait à me faire réaliser que ce sentiment si enivrant s’accompagne de la déception.

Les relations se terminent bien souvent de la même façon, l’amour s’abat sur un couple ne laissant que des ruines ensevelies sous une amertume peu commune. Il disait que quand je serais grande, je découvrirais le monde tel qu’il est vraiment : triste et fragile comme les êtres qui l’habitent. L’amour est trop dur avec ceux qu’il possède, il se loge en nous et nous délaisse. Il nous illumine autant qu’il nous brise. Il présumait qu’un jour je souffrirais, que la douleur serait pénétrante, que dans mon cœur se produirait un éclatement, qu’à chaque respiration, j’éprouverais la tristesse et qu’intérieurement, je crierais de détresse. Mais notre vie est faite ainsi, nous sommes faits pour aimer, nous faits pour tomber, mais quoi qu’il arrive, nous finirons toujours par nous relever.

L’espoir demeurera dans le cœur de ceux qui continueront d’y croire.

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